Idée reçue : « Un salarié ne peut pas être licencié pendant un arrêt maladie »

Notre rubrique en partenariat avec l’Ordre des avocats de Saint-Etienne – «  Les Pages du Barreau »  se consacre, ce vendredi, au droit social.

On perçoit souvent la période de maladie comme un obstacle à la rupture du contrat de travail. Elle provoque en effet une suspension des obligations principales du salarié, qui n’est plus en mesure d’accomplir sa prestation. Mais sur le plan juridique, contrairement à l’idée reçue, un employeur peut licencier un salarié. Au principe général de non-discrimination se sont greffées un certain nombre d’exceptions.

Par Me Pierre Robillard, avocat au Barreau de Saint-Étienne, spécialiste en droit social.

Le principe : aucune rupture possible en lien avec l’état de santé du salarié

Un employeur ne peut agir selon la santé, la famille, l’apparence, le genre, l’âge ou les opinions du salarié. Le Code du travail interdit cette discrimination, et le Code pénal la sanctionne. Il ne peut pas licencier un salarié pour arrêt maladie, quelle qu’en soit la durée ou son opinion. En cas de doute, il peut faire contrôler le salarié, suspendre le complément de salaire, mais sans le licencier.

Ce principe s’applique pendant un arrêt de droit commun et encore plus lors d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

Un employeur licenciant un salarié pour ce motif risque de lourdes sanctions. Il doit verser au moins six mois de salaire en dommages et intérêts, en plus des indemnités de rupture. Aucun plafond n’existe, le barème « Macron » ne s’applique pas. Le juge fixe le montant selon la demande, l’âge, l’ancienneté et le préjudice subi par le salarié.

Dans une seconde hypothèse, le salarié peut solliciter sa réintégration dans l’entreprise. Rare en pratique, cette option annule totalement le licenciement : le salarié retrouve son poste comme avant. Il ne reçoit ni indemnité de rupture ni six mois minimum, mais perçoit une indemnité d’éviction couvrant son préjudice. Cette indemnité compense la période entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite des salaires perdus.

Première exception : la découverte par l’employeur d’un motif de licenciement pendant l’arrêt maladie du salarié



Pendant l’arrêt, l’employeur reprend souvent les tâches du salarié et peut découvrir des manquements liés à un travail mal accompli. Il peut alors engager une procédure de licenciement pour faute, si les faits remontent à moins de deux mois. La procédure de licenciement peut alors se dérouler alors même que le salarié se trouve toujours en arrêt. Le licenciement ne doit pas être lié à la santé du salarié, mais peut être personnel ou économique. L’employeur peut notifier le licenciement pour une cause antérieure ou des faits survenus pendant l’arrêt, notamment pour manquement à la loyauté. Cette obligation de loyauté, qui perdure malgré la suspension du contrat, interdit au salarié toute concurrence envers son employeur.

L’employeur et le salarié peuvent conclure une rupture conventionnelle pendant l’arrêt, si le consentement du salarié reste valide. Sa pathologie ne doit pas altérer son jugement, sinon il pourrait demander l’annulation pour menace, pression ou abus de faiblesse.

Deuxième exception : le licenciement pendant un arrêt en raison de la perturbation causée à l’entreprise

L’absence pour maladie ne justifie pas un licenciement, mais des perturbations prolongées dans l’entreprise peuvent en constituer un motif. Ce licenciement est valable si deux conditions sont remplies : une perturbation de l’entreprise et la nécessité d’un remplacement définitif en CDI.

Certaines conventions collectives incluent des clauses de « garantie d’emploi », interdisant le licenciement d’un salarié malade pendant une période donnée. Un licenciement en violation de cette garantie serait abusif. Sauf mention contraire, cette clause n’empêche pas un licenciement pour un autre motif, comme l’inaptitude ou l’économie.

Si l’absence du salarié pour maladie ne peut en aucun cas justifier en soi un licenciement, en revanche, les perturbations causées dans le fonctionnement de l’entreprise par cette absence prolongée ou les absences répétées du salarié en raison de sa maladie peuvent constituer une cause de licenciement.

Troisième exception : le licenciement pendant un arrêt pour accident du travail ou maladie professionnelle


Un salarié en arrêt bénéficie d’une protection renforcée, surtout en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Le Code du travail limite le licenciement à une faute grave ou à l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif externe (article L1226-9). La faute grave empêche le maintien du salarié à son poste pendant le préavis. L’employeur décide du licenciement, mais en cas de contestation, le juge examine les faits et qualifie la faute. Il peut confirmer sa gravité ou la requalifier en faute simple ou absence de faute ; dans ces deux derniers cas, le licenciement est abusif.

Un licenciement pendant un arrêt lié à un accident du travail ou une maladie professionnelle est possible uniquement pour une raison externe. L’« impossibilité de maintenir le contrat » ne doit pas être liée au salarié, sauf en cas de faute grave.
L’employeur ne peut pas invoquer la nécessité de le remplacer ou les perturbations causées par son absence.

Quatrième exception : la déclaration d’inaptitude du salarié par le médecin du travail

Une visite médicale est obligatoire après 30 jours d’arrêt pour accident du travail, 60 jours pour un arrêt classique, et sans délai après un congé maternité. Elle vérifie l’aptitude du salarié à reprendre son poste. En cas d’inaptitude, l’employeur doit tenter un reclassement selon les recommandations du médecin du travail, sauf dispense. Si aucun reclassement n’est possible, le licenciement doit intervenir sous 30 jours, sinon l’employeur reprend le paiement du salaire.

Si l’on veut être très pointilleux, il s’agit en réalité d’une « fausse exception » au principe de non-rupture pendant un arrêt, car cette visite médicale de reprise a lieu par définition alors que le salarié n’est justement plus en arrêt (elle doit avoir lieu dans les 8 jours de la fin de l’arrêt). Cela signifie que lorsque le salarié est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement, le licenciement intervient après la fin de son arrêt de travail. Là aussi, le motif du licenciement ne peut pas être lié à l’état de santé du salarié, mais il reposera, selon la formule consacrée, sur son « inaptitude médicalement constatée et impossibilité de reclassement ».

Conclusion

Tout arrêt de travail doit conduire l’employeur à redoubler de prudence avant d’envisager la rupture du contrat de travail. Son pouvoir habituel est en effet soumis à un encadrement plus strict, et une erreur peut entraîner des conséquences financières considérables. Du côté du salarié, l’arrêt de travail ne constitue pas une exonération de responsabilité ; pendant cette période, il conserve la plupart de ses droits et notamment celui de contester une rupture abusive.